Le présent n'est jamais visible. Il est toujours doublé par le passé ou le futur même dans un infiniment proche, selon le philosophe Clément Rosset « il n'est abordable que par le biais de la représentation ». Et quel meilleur outil que l'appareil photographique pour questionner la réalité du présent ? En fixant un instant, l'appareil le dénature et déplace le spectateur d'un certain « coefficient d'inattention à la vie », à une pétrification.

L'éternité à court terme, c'est le « souvenir du présent » de Henri Bergson, suspendu en l'air, sans point d'appuie dans le passé. La photographie crée un écart en fixant un présent en en créant une représentation. C'est cet écart, crée par la photographie, qui permet de distinguer le réel de son double. Il crée un espace, « une tâche blanche » dans laquelle, selon Michael Palmer, « quelque chose pourrait éventuellement aller ».

Dans des images apparemment banales, quelque chose cloche ; il y a un décalage entre ce que ce devrait être et ce que ça montre effectivement. Elles semblent être images quotidiennes et à l'opposé de tout spectacle, mais comme dans un bon polar, quelque chose cloche. Ces images cherchent la concentration dans une existence autrement très déconcentrée.